Mardi, devant l’Assemblée nationale, Michel Barnier a énoncé ses priorités concernant le déficit, l’immigration, la réforme des retraites, les services publics ou l’écologie. Entretien.
Dans quel contexte politique s'inscrit ce discours de politique générale ?
Ce discours de Michel Barnier est l’aboutissement d’une séquence qui s’ouvre avec un double échec du président de la République. En juin, ce dernier a perdu les élections européennes, puis perdu son pari de la dissolution rejouant l’affrontement entre néolibéraux européistes et nationalistes identitaires. Son échec tient au fait que les gauches, contre toute attente, font l’union autour du Nouveau Front populaire.
À partir de là, en refusant à la gauche de gouverner, Emmanuel Macron se retrouve nécessairement lié à LR et au Rassemblement national. Michel Barnier est la bonne personne pour cette jonction puisqu’au moment de la primaire interne des LR, il avait annoncé un moratoire sur l’immigration et pris des positions proches de celles défendues par le RN.
Comment avez-vous perçu le discours de Michel Barnier devant l’Assemblée ?
Michel Barnier est un vieux routier de la politique qui sait garder son calme même lorsqu’il y a beaucoup de bruit au Parlement – et ce fut le cas ce mardi. L’homme est solide, il sait faire face, négocier. Il a mis son style au service de sa méthode qui est le dialogue. De toute façon, il ne peut pas faire autrement puisqu’il n’a pas de majorité. Mais selon moi, le point plus important dans ce discours, c’est la contradiction entre le constat – effondrement des services publics, dette financière colossale, dette écologique – et les moyens que Michel Barnier propose pour en sortir.
La situation actuelle de la France me fait penser à la situation du Royaume de France en 1788. Le budget était en déficit, la dette colossale. Cette situation s’expliquait à l’époque par le fait que les gens les plus riches, noblesse et clergé, ne payaient pas d’impôts. On est aujourd’hui dans une situation de déficit considérable parce que depuis 2017 – et même depuis Raymond Barre en 1976 – les plus riches ne payent pas ce qu’ils doivent payer. Et à partir de là, les déficits se sont progressivement creusés. Sans réforme fiscale de fond, il ne peut pas y avoir de sortie de cette crise.